Sortir du mode survie et entrer dans la joie : Apprendre à vivre les belles choses
- Rachael Hibbert
- 23 mars
- 5 min de lecture

L'étrange sentiment de sécurité dans les situations traumatisantes
Tu as passé des années à te préparer au pire. Ton corps et ton esprit savent gérer le stress, la déception et les épreuves. Tu parles couramment la langue de la survie. Puis un jour, quelque chose change. De bonnes choses commencent à t’arriver. Et au lieu de les accueillir, tu te figes. Au lieu de ressentir du soulagement, ton corps se crispe. Ce que tu attendais ou espérais te fait finalement plus peur que tout ce que tu as connu.
Si ça te parle, tu te poses sûrement les mêmes questions que moi : Pourquoi est-ce si difficile d’accepter le positif quand on a passé tant de temps à s’attendre au pire ? Pourquoi la paix est-elle si inconfortable quand on a été conditionné·e au chaos ? Si l’absence de douleur nous semble menaçante, est-ce qu’on vit vraiment ou est-ce qu’on survit simplement ?
La biologie du mode survie
Quand tu vis en mode survie, ton corps fonctionne en état de stress chronique. Le cortisol devient ton compagnon de route, te maintenant en alerte, réactif·ve et prêt·e à affronter la prochaine menace. Même si ces menaces sont psychologiques et non physiques, ton système nerveux ne fait pas la différence. Tu es toujours prêt·e à fuir, te battre ou te couper.
Et puis, un jour, ça change. Peut-être que tu entres dans une relation saine. Peut-être que ta situation financière se stabilise. Peut-être que la thérapie et ton travail personnel commencent à porter leurs fruits. Et soudain, ton taux de cortisol baisse. Ton corps, habitué à fonctionner en état d’alerte, ne sait plus quoi faire. L’absence de stress devient un vide — aussi déstabilisant que le stress lui-même.
Quand le positif ressemble à une menace
Paradoxalement, recevoir de l’amour, connaître le succès ou atteindre la stabilité peut déclencher de l’inconfort plutôt que du réconfort. Ce n’est pas que tu ne veux pas être heureux·se — c’est que ton corps ne reconnaît pas ça comme étant sûr.
Tu as construit des stratégies de survie qui fonctionnaient sous pression, mais ces stratégies ne servent plus à rien dans la paix.
Cela peut se manifester de façon déroutante, voire auto-destructrice :
Des émotions envahissantes : Au lieu de la joie, tu ressens de la panique ou de la tristesse car ton corps ne sait pas comment accueillir la joie.
Un inconfort face au calme : Quand tu es habitué·e à anticiper le danger, les moments de calme semblent contre-nature.
La difficulté à faire confiance au positif : Tu te demandes si c’est réel, ou tu restes constamment sur tes gardes, attendant la déception, parce que tes expériences passées t’ont appris que les bonnes choses ne durent jamais.
Le sevrage du cortisol
Privé de sa dose habituelle de cortisol, ton corps entre en sevrage. Cela peut entraîner de l’épuisement physique, des troubles de la concentration, voire de la dépression. Tu peux même te surprendre à rechercher le stress que tu détestais tant, simplement parce qu’il te donnait un sentiment de contrôle — et que son absence te laisse perdu·e.
Mais ce n’est pas une régression. C’est une réadaptation. Ton système nerveux apprend à exister dans un état de paix — chose qu’il n’a jamais appris à faire.
La peur de la stabilité et l’auto-sabotage
Ne pas reconnaître le calme comme un état sûr peut avoir un impact profond sur tes relations, tes choix de carrière, et ton épanouissement personnel. C’est la raison pour laquelle tu peux dormir plus facilement dans les bras de quelqu’un qui ne tient pas à toi que dans ceux de quelqu’un qui est là, vraiment là. Les situations instables te semblent normales, et la stabilité te met mal à l’aise — parce que si quelque chose n’est pas solide, il ne peut pas vraiment se perdre.
J’ai souvent passé des nuits blanches, tendue, dans les bras d’un homme qui se souciait vraiment de moi. L’esprit agité, le corps en alerte maximale. Et pourtant, j’ai dormi comme un bébé à côté de quelqu’un qui se servait de moi, parce que cette familiarité me semblait sûre. Qu’est-ce que ça dit de notre fonctionnement ? Si ton corps ne peut se reposer dans la sécurité, quelle version de l’amour reconnaît-il vraiment ?
Ce schéma se répète aussi dans les grands choix de vie. Quand tu perçois le positif comme quelque chose qui pourrait disparaître d’un instant à l’autre, ton instinct est de ne jamais t’engager complètement. Si tu ne l’embrasses pas totalement, tu ne peux pas le perdre totalement non plus. Qu’il s’agisse d’un projet qui te passionne, d’une relation ou d’un job de rêve, l’auto-sabotage se met en place comme une forme de protection préventive. Ce n’est pas seulement la peur de l’échec, c’est la peur de la perte. Et parfois, il semble plus sûr de ne jamais vraiment se lancer dans ce qu’on aime plutôt que de risquer de le voir nous échapper.
Alors on devient les architectes de nos propres limites — on construit des murs, non pas parce qu’on veut être seul·e, mais parce que quelque part, au fond de nous, on ne croit pas survivre à la douleur de la perte si on s’autorise à goûter à la joie.

Apprendre à accueillir le positif
Alors comment s’entraîner à faire confiance à la joie ? À s’abandonner à la sécurité sans en avoir peur ?
Nommer l’inconfort : Ressentir un malaise face au bonheur ne veut pas dire qu’il y a un problème. Ça veut dire que c’est nouveau.
Réguler son système nerveux : La respiration profonde, le mouvement et les exercices d’ancrage peuvent aider ton corps à s’habituer à un niveau de stress plus bas.
Laisser la joie être petite : Au lieu de te forcer à ressentir un bonheur immense, commence par savourer les petits moments de paix et de facilité.
Changer ton discours intérieur : Quand le doute s’invite — quand tu te dis “ça ne va pas durer” ou “je ne mérite pas ça” — stoppe-toi. Remets cette pensée en question. Reformule-la.
Laisser le temps faire son œuvre : Sortir du mode survie ne se fait pas en un claquement de doigts. Ton corps et ton esprit ont besoin de temps pour comprendre que la sécurité est un espace sûr.
Faire confiance au calme
Peut-être que la vraie question n’est pas Est-ce que je vais survivre à ça ? mais Suis-je prêt·e à vivre ? C’est difficile de s’apprendre que l’amour, la paix et la légèreté peuvent exister sans contrepartie. Mais c’est possible. Ton corps et ton esprit peuvent s’adapter. Le but n’est pas d’effacer le passé, mais de t’apprendre que tu n’y vis plus.
Tu as le droit d’aller bien. Tu as le droit de te sentir bien. Et surtout, tu as le droit d’y croire.
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