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Le mythe moderne de l'alignement

  • Photo du rédacteur: Rachael Hibbert
    Rachael Hibbert
  • il y a 2 jours
  • 6 min de lecture

Ce qu’il dit vraiment de qui nous sommes.


modern myth of misalignment

On aime se dire que les gens s’éloignent, que les chemins divergent, que « les énergies changent ». Mais les relations ne s’éteignent pas toujours d’elles-mêmes. Quelqu’un quitte la pièce — même s’il fait semblant du contraire.


En 2025, éviter est devenu synonyme de prendre soin de soi. Le vocabulaire moderne de « l’alignement », des « limites » et du « je protège ma paix » a offert à beaucoup une excuse morale à la paresse émotionnelle. Faites défiler suffisamment de comptes Instagram de développement personnel et vous verrez la même rengaine répétée sur des tons pastel apaisants : si quelqu’un n’est plus aligné avec ta croissance, laisse-le partir.



Coupe ce qui ne te sert plus ! Protège ton énergie !


Sauf que les gens ne sont pas un désordre à ranger. Mettre fin à une amitié ou une relation de longue date sans communication n’est pas une forme de maturité emotionel. C’est de l’évasion déguisée en éveil.


Le langage de l’évitement


Le « désalignement » est devenu le bouc émissaire préféré de notre époque. Cela sonne profond, mais qu’est-ce que cela signifie vraiment ?


Le plus souvent, « nous ne sommes plus alignés » veut dire : « Je ne veux pas affronter ce que ta présence réveille chez moi. » C’est une façon élégante d’éviter la responsabilité, d’échapper aux conversations difficiles qui pourraient forcer une remise en question.


Autrefois, l’alignement signifiait des valeurs partagées, un rythme émotionnel, un but commun. Aujourd’hui, c’est devenu un filtre pour l’inconfort — un mot qu’on utilise quand on préfère disparaître plutôt que dire : « Je me sens en insécurité » ou « Je ne sais pas comment gérer la version de toi que je vois. »


On prétend que c’est une question d’énergie, mais c’est souvent une question d’évitement.


Les gens parlent de « dépasser » les autres comme si la croissance était une hiérarchie. Comme si devenir plus conscient de soi nous plaçait automatiquement au-dessus de ceux qui peinent encore. Mais la vraie croissance inclut l’empathie. Elle sait dire au revoir avec grâce.



Elle n’a pas besoin de prétendre que l’autre est soudainement toxique, désaligné, un frein, ou qu’il n’existe plus.


Quand nous effaçons quelqu’un en silence, nous ne protégeons pas notre paix. Nous protégeons notre ego de la confrontation. Je le sais, car je l’ai fait à plus petite échelle : mis plus de temps à répondre, laissé un silence s’étirer au lieu de nommer mon inconfort. L’évitement est un spectre.


Quand l’énergie est étiquetée « trop »


Traiter quelqu’un de « trop » est une traduction commode de ce même malaise. Tu n’es pas trop émotive, trop motivée ou trop expressive ; tu es simplement difficile à contenir.


Notre culture célèbre encore la modération comme une vertu. La passion, l’ambition, la profondeur — c’est beau en théorie, mais épuisant de près. On adore l’énergie jusqu’à ce qu’elle nous oblige à regarder où la nôtre s’est figée.


Et les femmes en paient souvent le prix fort.


Une femme ardente est « intense ». Un homme sensible est « compliqué ». Une personne qui questionne les règles tacites de l’amitié est « épuisante ».


Ce qu’on appelle « trop », c’est souvent quelqu’un qui se montre sans filtre. Quelqu’un qui vit en temps réel, pas en représentation. Quelqu’un dont la sincérité ou la vitesse expose la passivité des autres.


Nous ne craignons pas vraiment l’intensité ; nous craignons ce qu’elle révèle de notre propre complaisance.


Le miroir qu’on ne veut pas affronter


Quand quelqu’un te trouve envahissant, ce n’est que rarement une question de volume. C’est une question de seuil. Tu lui rappelles peut-être son ambition oubliée, les émotions qu’il a anesthésiées ou le courage qu’il n’a pas encore trouvé. Mais la projection fonctionne dans les deux sens.



Parfois, nous qualifions les autres de démotivés, détachés ou perdus, alors que nous voyons simplement notre peur de ralentir. Tout le monde n’associe pas le calme à la stagnation. Certains ont simplement cessé de jouer un rôle. J’ai déjà pris le manque de contact pour de l’apathie, convaincue que leur silence signifiait régression.


Il y a de l’humilité à admettre que la projection est réciproque. Ce que nous voyons chez les autres — les traits que nous jugeons, rejetons ou envions — sont des morceaux de nous-mêmes avec lesquels on n'est pas encore en paix.


Mais il existe une différence entre conscience de soi et culpabilité. On peut reconnaître sa part dans une dynamique sans endosser la faute qui ne nous appartient pas.


La nouvelle voie d’évasion


Le ghosting n’est pas une évolution. C’est la lâcheté devenue norme.


C’est facile de ghoster quand on se persuade que c’est spirituel. Quand on se convainc que le silence, c’est « protéger son énergie » au lieu d’affronter son inconfort.


Mais soyons honnêtes : si tu as déjà partagé des rires, des larmes ou de la confiance avec quelqu’un, disparaître n’est pas de l’intelligence émotionnelle, c’est plutôt un manque de respect.

Le ghosting laisse l’autre enfermé dans la confusion, obligé de réécrire seul l’histoire. Il dissèque chaque mot, chaque moment, cherchant le crime invisible qu’il aurait commis. C’est un abandon psychologique déguisé en sérénité.


Et pourquoi ? Pour éviter de dire : « J’ai changé, nous avons changé, et je ne sais plus comment te parler. »


Il ne faudrait qu’une phrase. Le respect, ce n’est pas le silence. C’est la vérité, même quand elle tremble.


Le mythe du “trop”


Revenons donc au scénario du « tu es trop ». Il y a quelques semaines, ma psy m’a posé une question très juste : es-tu vraiment trop, ou est-ce simplement ce qu’on t’a appris à croire ?


Trop bruyante. Trop ambitieuse. Trop honnête. Trop émotive. Trop directe. Trop tout.


Cette étiquette ne te décrit pas, ni moi. Elle décrit l’espace que l’autre est prêt — ou capable — d’occuper.


Les gens utilisent le “trop” pour minimiser ce qu’ils ne comprennent pas :

  • Ils pathologisent l’énergie qu’ils ne peuvent égaler.

  • Ils moralisent l’intensité pour justifier leur retrait.

  • Ton enthousiasme devient « pression ».

  • Ta franchise devient « instabilité ».

  • Ton élan devient « jugement ».


Mais ce qu’ils disent vraiment, c’est : « Je ne peux pas te rejoindre ici. »

La vérité, c’est qu’il n’existe pas de « trop ». Il n’y a que du mal placé.


Apprendre à maîtriser son rythme


Cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien à apprendre. Si tu es câblé·e pour le mouvement, la passion et l’intensité, tu dois apprendre le rythme, pas l’excuse. J’ai souvent constaté que l’intensité peut relier ou consommer, selon la façon dont je la tiens. La modulation n’est pas un affaiblissement ; c’est une maîtrise. Savoir quand parler et quand écouter. Quand créer de l’espace et quand le remplir. Quand ton énergie ouvre une connexion, et quand elle la submerge sans le vouloir.


La conscience de soi ne veut pas dire se contenir ; elle veut dire se calibrer.

Tu peux garder ton feu sans incendier la pièce.


Redéfinir le respect


À une époque obsédée par le détachement, le respect s’est dilué en politesse. Mais le vrai respect, c’est l’honnêteté émotionnelle. C’est oser parler au lieu de disparaître lentement.


Nous avons fait de la confrontation quelque chose de cruel, alors qu’elle reste un des derniers gestes de soin. Le respect ne se mesure pas à la présence constante ni à la transparence totale. Il ne s’agit pas de rester aligné, mais de partir avec intégrité.

« Ce n’est pas de l’intelligence émotionnelle si cela laisse quelqu’un dans la confusion. » – Rachael Hibbert

Le silence parle plus fort que la clarté


Les limites ne sont pas le problème. C’est la façon dont nous les utilisons pour masquer la peur qu’il faut réexaminer.


Si le silence de quelqu’un est le prix de ta vérité, paie-le. Mais ne confonds pas son absence avec la preuve que tu avais tort de parler, d’être ou de vouloir. Parfois, les gens s’en vont non pas parce que tu es trop, mais parce qu’ils ne peuvent plus se cacher d’eux-mêmes en ta présence.


Et parfois, tu réalises que ton énergie est mieux investie ailleurs — là où elle est accueillie, pas gérée.

Être « trop », c’est souvent simplement être pleinement vivant·e. Tu n’es pas censé·e diluer ta joie, ta curiosité, ton élan ou ta sincérité pour que les autres restent à l’aise. Les bonnes personnes n’appelleront pas cela un excès.


Alors quand quelqu’un s’éloigne en silence, respire, laisse-le partir. Parce que peut-être que ceux qui te trouvent envahissant·e n’étaient jamais faits pour ton orbite. Et peut-être que, juste peut-être, être trop pour les mauvaises personnes est exactement ce qui te laisse la place pour les bonnes.

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